Le glaucome congénital
Le glaucome apparaît généralement avec l’âge, mais peut aussi se déclarer à la naissance. On parle alors de glaucome congénital primitif ou glaucome congénital, une pathologie rare et pour laquelle un traitement rapide et approprié dans un centre spécialisé s’avère crucial.
Sur le campus Gasthuisberg à Louvain, nous rencontrons la Professeure Sophie Lemmens, ophtalmologue et référence dans notre pays pour le traitement chirurgical du glaucome congénital. « C’est une affection oculaire dans laquelle le nerf optique est endommagé en raison d’une pression élevée dans l’œil », explique-t-elle. « L’évacuation du liquide intraoculaire est mal assurée, à la suite d’une mutation génétique. Dans le glaucome congénital primitif, la mutation exacte n’a pas encore été identifiée. Dans une minorité de cas, l’anomalie oculaire est héréditaire. On parle de glaucome secondaire lorsqu’une affection sous-jacente est présente. »
Bien que les petits enfants ne puissent pas nous dire qu’ils voient mal ou qu’ils ont mal, leurs yeux disent beaucoup. « Il existe 3 signes très typiques du glaucome congénital primitif : un larmoiement abondant, une photophobie ou sensibilité à la lumière et un clignement excessif des yeux », précise la Professeure. « De plus, les yeux ont souvent un aspect très différent. Le signe typique est la buphtalmie qui désigne un œil anormalement grand. On observe aussi, souvent, un reflet blanc-bleuâtre sur la cornée. Les parents disent parfois qu’ils ont vu la couleur des yeux de leur enfant changer. La pression oculaire chez ces petits patients est généralement très élevée. »
Une pathologie rare
Il n’est pas si facile de détecter une telle anomalie oculaire pendant la grossesse. Sur les échographies classiques, on ne la voit souvent pas. « Il n’y a pas non plus de dépistage systématique, car c’est une pathologie rare », explique la Professeure Lemmens. « En Belgique, le glaucome congénital primitif ne survient que dans 1 naissance sur 10 000 à 20 000. Le risque est plus élevé en cas de consanguinité entre les parents. Dans certains groupes de population en Europe, il est plus fréquent. Là, un dépistage plus large est utile. À l’échelle mondiale, le glaucome congénital primitif est responsable de 5 % des cas de cécité infantile. »
Pour les ophtalmologues spécialisés comme Sophie Lemmens, un traitement précoce est très important car il peut prévenir de nombreux dégâts. « La plupart du temps, les petits patients nous sont envoyés par le pédiatre, l’ophtalmologue ou parce que les parents ont remarqué quelque chose d’anormal. Les symptômes eux-mêmes ne peuvent pas être traités, nous devons traiter la cause : il faut faire baisser la pression intraoculaire pour sauver le nerf optique. Il faut agir vite, car les dégâts ne sont pas réparables. Sans traitement, l’enfant peut devenir aveugle ou gravement malvoyant. »
Le développement de la vision chez les enfants atteints de glaucome varie fortement. « Chez les enfants ayant un glaucome sévère et très peu de capacité visuelle à la naissance, nous essayons de préserver le peu de vision restante. Chez les enfants où l’affection est diagnostiquée plus tard, entre six et douze mois, il s’agit souvent de cas plus légers avec un meilleur pronostic. Si nous pouvons arrêter rapidement l’évolution de la maladie, il y a de bonnes chances que ces enfants conservent une assez bonne vision pour le reste de leur vie. Nous avons des patients qui sont nés avec la maladie, qui ont aujourd’hui 40 ou 50 ans et qui ont encore une très bonne vision. »
Une opération nécessaire
Pour les enfants atteints de glaucome congénital, une intervention chirurgicale est nécessaire. C’est différent pour les patients adultes atteints de glaucome et qui sont traités avec des gouttes ou au laser. « La cause du glaucome primitif chez l’enfant est une mauvaise formation du système d’évacuation de l’humeur aqueuse de l’œil. L’œil produit environ une petite gouttelette de liquide par minute. Ce n’est pas la larme, mais le liquide interne de l’œil. Ce liquide doit être évacué quelque part. S’il n’a pas d’issue, la pression monte. Pour résoudre ce problème, il faut ouvrir le système d’évacuation mal formé. Impossible avec des médicaments, une opération est donc nécessaire. »
Une trabéculotomie est une opération complexe », poursuit la Professeure Lemmens. « Une ouverture est faite dans la sclère (le blanc de l’œil).
À travers cette ouverture, nous cherchons le canal de Schlemm, qui fait le tour de l’iris sur 360 degrés. Ce canal est en grande partie responsable de l’évacuation de l’humeur aqueuse. Chez les enfants atteints de glaucome congénital primitif, ce canal est fermé. Nous y introduisons un cathéter très fin et lumineux pour vérifier que le trajet est correct. Une fois le cathéter passé sur 360 degrés, nous tirons sur ses extrémités pour ouvrir la paroi interne du canal. On sent alors immédiatement que l’œil devient plus mou, car le système commence à fonctionner tout de suite. Dès le lendemain, l’œil est souvent déjà plus petit, car la pression a diminué immédiatement. »
Il est important que cette opération soit effectuée dans un centre spécialisé. « Ici à Louvain, nous recevons et traitons la grande majorité des petits patients en Belgique. Nous recevons aussi des enfants de l’étranger atteints de glaucome congénital. Nous avons donc acquis beaucoup d’expérience car nous réalisons régulièrement cette intervention. »
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