Incontournable dactylographie
Compétence essentielle dans les milieux administratifs, la dactylographie, ou l’art de taper rapidement et avec précision sur un clavier, est également incontournable pour l’autonomie des personnes aveugles ou malvoyantes qui peuvent écrire sans voir, en se fiant à la mémoire musculaire et à la disposition des touches.
La dactylographie est née à la fin du XIXe siècle, avec l’invention de la machine à écrire. Cette technique, qui consiste à taper rapidement, est devenue essentielle pour celles et ceux qui travaillaient avec des machines à écrire, puis des ordinateurs. Pour les personnes aveugles et malvoyantes, la dactylographie est bien plus qu’un simple outil de productivité, c’est une passerelle vers l’autonomie numérique. Xavier Guerra est formateur en dactylographie depuis 5 ans au Centre de Formation Professionnelle de la Ligue Braille. « Après avoir travaillé deux ans au SIAT, j’ai eu l’opportunité de devenir formateur en dactylo. Quand j’ai repris cette matière, j’ai réalisé que le cours était donné de la même façon depuis presque une génération. J’ai eu envie de le mettre à jour, notamment pour mieux l’adapter aux personnes aveugles ou malvoyantes, qui, par définition, ne regardent pas leur clavier et développent un sens du toucher plus affûté. »
Un apprentissage multisensoriel
L’approche de Xavier est inspirée des neurosciences et du bien-être. « Quand je commence le cours, je leur demande de fermer les yeux (pour ceux qui ont un résidu visuel) et je leur demande comment ils se sentent face à leur clavier. Souvent, la réponse est assez mitigée. La confiance est essentielle et l’environnement d’apprentissage doit être favorable. Regardez comment de jeunes enfants s’approprient les manettes de jeux vidéo et jouent sans jamais les regarder ! Ils apprennent de manière instinctive, dans un environnement sécurisant et ludique, avec un intérêt évident ! Toutes les conditions d’apprentissage sont réunies ! »
Outre le toucher généralement plus affiné, les personnes aveugles ou malvoyantes ont bien souvent une représentation mentale plus développée que celle des voyants. « Je leur demande donc de visualiser leur clavier, mais aussi de se visualiser en train de l’utiliser, de visualiser les mouvements. Le but est de leur (ré)apprendre où se trouve chaque touche du clavier, en prononçant chaque lettre, ce qui associe les sens (audition-toucher) et ancre l’apprentissage, car c’est en conscientisant ce que l’on fait que l’on mémorise le mieux. »
Une histoire de mouvement Combien de doigts utilisez-vous lorsque vous tapez sur votre clavier ?
Avec la dactylo, vous apprendrez à utiliser vos dix doigts, même le pouce ! « Chaque doigt qui ne fait rien, c’est 10 % de productivité en moins » plaisante Xavier. « Mais les vraies stars, ce sont les poignets et les bras, voire les épaules. C’est tout un mouvement, des micromouvements qui s’apprennent. Pour apprendre un mouvement, il faut l’effectuer. On se souvient de nos profs de gym qui nous montraient des figures à reproduire, souvent en vain (rires). C’est pareil pour la dactylographie. Il faut guider la personne, qu’elle entraîne sa mémoire musculaire (connexion entre le cerveau et les muscles) en repérant et en corrigeant chacune de ses erreurs. L’entraînement est donc capital. Arriver à écrire, vite, sans regarder le clavier ni vérifier si ce qui est écrit est correct, libère de l’espace. Cela permet de réfléchir à autre chose ou, pour celles et ceux qui ont un résidu visuel, de regarder leur interlocuteur. C’est comme réfléchir en se grattant la joue. Ce faisant, je ne focalise pas mon attention sur les doigts sur la joue, je réfléchis à autre chose. C’est un automatisme qui fait gagner beaucoup de temps et d’énergie. »
Gagner en productivité
Une personne aveugle ou malvoyante qui maîtrise la dactylographie rédigera beaucoup plus rapidement qu’une personne voyante qui ne la connaît pas. Cette rapidité augmente au fil de l’apprentissage. « Je le vois avec mes élèves qui s’émerveillent d’arriver à taper 20 mots à la minute, puis 25, puis 30, etc. Connaître la dactylographie, c’est la clé qui vous permettra d’utiliser le clavier d’ordinateur, en dépit de votre handicap visuel. C’est travailler, écrire un livre, remplir des formulaires, poser des questions à des robots conversationnels, utiliser WhatsApp sur un ordinateur et discuter bien plus vite ! Les utilisations sont vraiment multiples. » Cet apprentissage, capital, peut aller très vite ! « Mes conseils : ne vous stressez pas, écoutez-vous et respirez. Ce n’est pas utile de vous mettre en apnée pour faire quelque chose et de souffler un grand coup quand vous avez fini. Ne commencez à faire les choses que si vous vous sentez bien. Ça ira bien plus rapidement que vous le pensez : apprendre vite, c’est apprendre lentement. Je le répète souvent à mes élèves au début des cours. Quand vous faites quelque chose de nouveau, laissez votre cerveau réaliser ce qui se passe, conscientisez-le. Il apprendra mieux ! »
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