Et le boulot ?
La vie sociale, ce n’est pas que la famille, les amis et les loisirs, c’est aussi le travail ! Selon notre enquête, les personnes aveugles et malvoyantes peuvent compter sur 3 voisins, 8 amis, 9 membres de leur famille et … 13 collègues ! Les actifs disposeraient d’un réseau plus vaste. Nous avons sondé 2 spécialistes.
Dorien Van Oers, conseillère psychologique de notre Service emploi Werk+
Comment le travail contribue-t-il à la vie sociale et à une bonne image de soi ?
Il est important que chacun ait le sentiment de contribuer à la société, d’avoir le sentiment d’être utile et d’appartenir à quelque chose. Le travail est un facteur important à cet égard : Sur le plan financier, puisqu’il rend plus indépendant, mais aussi sur le plan social. Le travail permet de fréquenter des gens en dehors de votre environnement immédiat. Pour de nombreuses personnes aveugles et malvoyantes, ce contact social est une motivation de taille. Le sentiment d’être important, d’appartenir à un groupe est essentiel, surtout pour nos bénéficiaires. Ces contacts sociaux renforcent également la confiance en soi. Vous vous sentez mieux dans votre peau, ce qui améliore également l’image que vous avez de vous-même.
Est-il plus difficile pour les personnes malvoyantes de nouer de (nouveaux) contacts ?
Il n’est pas évident de parler spontanément à quelqu’un si
l’on ne peut pas le voir. Le seuil à franchir pour faire ce pas est énorme. Souvent, il y a aussi la peur d’être traité différemment à cause du handicap visuel, la peur d’être licencié, de ne pas être cru, la peur des commentaires négatifs, etc. Les personnes dont le handicap visuel est apparu plus tard essaient souvent de le cacher à leurs collègues. Même les loisirs, où l’on peut nouer de nombreux contacts sociaux, ne sont pas faciles à pratiquer pour ces personnes.
Le télétravail est-il une solution ?
Le télétravail facilite le travail dans le sens où il n’y a pas ou moins de déplacements à effectuer. Il est également plus facile de se connecter aux équipes, par téléphone, par courrier. La barrière visuelle est moins importante, car il existe souvent déjà des adaptations et des aides suffisantes. En même temps, vous bénéficiez des avantages du contact social en entendant et en voyant les autres dans la vie réelle. Bien que cela reste quelque chose de personnel. Pour certaines personnes, le simple fait d’entendre des collègues en ligne suffit.
Avez-vous des conseils pour nouer et entretenir des contacts sociaux au travail ?
Au travail, surtout si vous débutez dans un nouvel emploi, il peut être utile d’être aussi ouvert et honnête que possible au sujet de votre handicap. D’abord et avant tout avec votre chef de service et les ressources humaines. Vous pouvez vérifier avec eux quelles sont les difficultés pour vous, ce qui peut être amélioré, ce qu’ils pensent être une bonne idée à expliquer à vos collègues (immédiats). Par exemple, vous pouvez expliquer brièvement votre handicap et les difficultés qu’il pose en proposant des solutions rapides par courrier électronique ou sur l’intranet. Par exemple, si vous avez du mal à reconnaître les gens, il est bon que vos collègues sachent qu’ils doivent toujours se présenter, il est important de le souligner vous-même. Ce n’est pas agréable et difficile au début, précisément à cause de la peur d’être traité différemment. Cependant, nous constatons dans la plupart des cas que plus vous êtes ouvert et honnête à ce sujet, plus il est facile d’indiquer ce dont vous avez besoin et plus il est facile pour vos collègues d’en tenir compte. Cela permet également d’abaisser le seuil à partir duquel les gens demandent eux-mêmes de l’aide.
Jean-Paul Erhard, Managing Partner de PeopleSphere, une plateforme d’information sur les ressources humaines
Quelle est la place du travail dans les relations sociales ?
Elle est centrale ! Toutes les enquêtes le disent : les principales raisons de quitter ou choisir un job sont la qualité des rapports avec les autres collaborateurs, avec la hiérarchie et le développement personnel. Le salaire n’occupe que la 6e place. Et cela s’applique à tous les travailleurs, probablement encore davantage aux personnes en situation de handicap. Les sphères privées et professionnelles se mélangent. La confusion n’a jamais été aussi importante et ça va continuer. Le travail est entré dans la sphère privée (télétravail) et le privé dans le monde du travail (espace détente ou crèche d’entreprise). Aujourd’hui, c’est bien souvent au travail que l’on fait des rencontres amoureuses.
Pourquoi les personnes en situation de handicap restent-elles sous-représentées sur le marché du travail ?
Sauf pour la sécurité du travailleur, je ne vois plus de freins sérieux à recruter des personnes en situation de handicap. Au contraire, la plupart des patrons savent que c’est bon pour la diversité de leurs équipes. Cela dit, en recrutement, il y a une règle « on engage quelqu’un qui nous ressemble », c’est le biais contre lequel il faut impérativement lutter. Autres écueils : le coût de l’aménagement d’un poste de travail et le temps consacré à la formation d’un travailleur en situation de handicap. Les subsides ne sont pas une raison suffisante. C’est aussi contre ces obstacles qu’il faut lutter. Imposer des quotas ne servira à rien, il faut que le monde du travail soit naturellement plus inclusif.